VÉRONIQUE LE BRIS, fondatrice du Prix Alice Guy

 
@Sylvie Castioni

@Sylvie Castioni

 

Rien que de plus naturel d'accueillir, aux côtés du président Frank Cassenti, la journaliste- écrivaine Véronique Le Bris, au sein du jury de la prochaine édition des Rimbaud du Cinéma.

Dans la famille des valeurs partagées, nous avions déjà croisé la fondatrice du Prix Alice Guy, lors de la première saison de notre manifestation " Lumières de Femmes" : c'est " Paris la Blanche", lauréat 2018, sa réalisatrice Lidia Terki et son actrice principale Tassadit Mandi qui avaient répondu à notre invitation de donner à voir le travail de femmes du cinéma, à un public ardennais en appétit de cinéma indépendant.

En sortant de l'oubli Alice Guy, pionnière, réalisatrice et productrice, contemporaine des frères Lumière, Véronique Le Bris met en lumière les invisibles parmi les invisibles: les femmes réalisatrices.

Cinéphile éclairée, elle choisit le journalisme après un passage par Sciences Po Bordeaux. Pas forcément là où on aurait pu l'attendre mais dans la presse économique, via l'économie des médias et une page dédiée à la production dans le magazine " Stratégies"; puis des passages par Zurban, le Nouvel Obs jusqu'à la rédaction en chef adjointe de " Première" et la fondation du premier web magazine des femmes sur le cinéma: cine-woman.fr. Une double casquette économie-culture, propice à connaître les difficultés de fabrication et de distribution d'un film et la difficulté supplémentaire des femmes à y prendre place...

  • Après "Fashion&Cinéma" ( Editions Cahiers du Cinéma) et " 50 Femmes de Cinéma" ( Editions Marest), vous venez de publier "100 Grands Films de Réalisatrices" (Editions Arte et Gründ), préfacé par Julie Gayet. Que diriez- vous du cinéma au féminin ?

Le travail des femmes a été atomisé, alors qu'il existe depuis Alice Guy ! J'y vois deux raisons essentielles: l'histoire du cinéma a été écrite par des hommes, des critiques à la vision très subjective. L'histoire des femmes leur échappe, souvent ils la méprisent... alors qu'elle intéresse une grande partie de la population. Et puis les femmes sont les premières à aborder au cinéma des sujets tels que l'homosexualité féminine, le quotidien au foyer, la culture du viol... avec une quasi obligation de sortir du lot, d'être audacieuse...

  • C'est "Mignonnes" de Maïmouna Doucouré qui a remporté le prix Alice Guy 2021. Qu'est-ce qu'une femme de la fin du XIXème siècle telle qu'Alice Guy peut apporter aux jeunes générations?

" La Fée aux Choux" , le premier film de fiction, daté de 1896, a été réalisé par une femme. Alice Guy a compris que raconter des histoires intéresserait plus le public que le simple fait de filmer le réel. Elle met en place toute la grammaire du cinéma, la mise en scène, les changements de rythme, le jeu des acteurs.. La connaître, savoir qu'elle a existé prouve aux jeunes femmes d'aujourd'hui qu'elles peuvent occuper tous les genres, être audacieuses mais aussi investir le système! Pour s'en convaincre, il faut regarder " Be Natural", biographie-documentaire consacré à Alice Guy, réalisé par Pamela B.Green, raconté et co-produit par Jodie Foster...

  • Une vision féministe d'une réalité également économique ...

J'ai été élevée à la "Cause des Femmes" comme beaucoup d'ados de ma génération. Quand " Première" m'a demandé de " féminiser" le lectorat, aucune étude n'avait été publiée sur le sujet. Le seul chiffre disponible à l'époque au CNC montrait que le public du cinéma "art et essai" était plus féminin que masculin. Et en même temps, les directeurs de marketing disaient: " les femmes, on sait pas faire..." La presse féminine n'était pas intéressée ... J'ai créé cine-woman.fr

  • Vous vous êtes investie dans des collectifs...

J'ai participé à différents collectifs: " Sexisme sur Écran" puis j'ai été proche du collectif "Sexisme sur Écran"' et "50/50". Quand ont éclaté l'affaire Weinstein et #metoo, j'ai voulu faire plus et créé le Prix Alice Guy. Il a été conçu en faisant converger une curiosité pour le cinéma réalisé par les femmes, un carnet d'adresses, en impliquant le public, y compris des jeunes, filles et garçons...

En attendant de se retrouver à Martigues du 4 au 9 octobre prochains, Véronique le Bris prépare un nouvel ouvrage et accroche une expo sur le thème " Les Femmes s'emparent du Cinéma", jusqu'au 31 mai, sur les grilles de l'Hôtel de Ville de Paris.

Propos recueillis par Carole Thon